La Révolution Française - Dynamique et Ruptures 1787-1804 by Michel Biard et Pascal Dupuy

Auteur:Michel Biard et Pascal Dupuy [Michel Biard et Pascal Dupuy]
La langue: fra
Format: epub
Tags: History, General
ISBN: 9782200256555
Éditeur: Armand Colin
Publié: 2008-08-27T12:20:28+00:00

L'organisation matérielle

La cérémonie de la séance d'ouverture des États généraux du 5 mai 1789, en rappelant le rituel de 1614, a difficilement intégré les transformations qui ont affecté la société française depuis les années 1770. D'ailleurs, rapidement, les députés du Tiers revendiquent leur pouvoir politique en contestant ouvertement l'étiquette imposée par la monarchie. Par leur refus de se découvrir en présence du monarque et par leurs prises de parole, ils font voler en éclats le cérémonial. La représentation symbolique ébranlée, la monarchie et la société d'ordres sont atteintes. Avant d'en arriver là, les députés mettent en place, en dehors de la sphère symbolique, des formes démocratiques matérielles fondées, en premier lieu, sur une nouvelle configuration de la salle des séances et sur une organisation institutionnalisée du travail collectif.

Il est ainsi demandé très rapidement la transformation et l'aménagement de la salle des Menus-Plaisirs qui abritait les séances des États, même si l'on déclare, le 20 juin, que l'existence de l'Assemblée transcende « tout lieu particulier où accomplir son essence ». Malgré tout, il est unanimement remarqué que la disposition de la salle des Menus-Plaisirs est très incommode et, comme l'indique un député du Tiers, « qu'il y avait toujours une grande partie des membres de l'Assemblée qui ne pouvait ni voir ni entendre celui qui portait la parole ». Il est donc jugé utile d'y remédier afin qu'elle réponde à son nouveau statut d'Assemblée nationale constituante. Le 23 juillet, les députés investissent l'ancienne salle rectangulaire des Menus-Plaisirs, aménagée en amphithéâtre à l'antique, avec dans le milieu d'une des longueurs un espace et une table pour les secrétaires et au-dessus d'eux la table du président. Une tribune a également été installée pour les orateurs, ainsi qu'un éclairage pour les séances de nuit. Dans cette nouvelle disposition, chacun peut à présent voir ses collègues, les orateurs tenter de se faire entendre de tous et le président maintenir l'ordre. Enfin, on aménage des lucarnes au plafond et des canaux sous le plancher afin de faire circuler l'air et d'éviter les chaleurs étouffantes de l'été. À la suite des journées d'octobre, l'Assemblée déménage pour Paris. Le 19 octobre, elle se réunit à l'Archevêché dans l'île de la Cité, dansune salle particulièrement exiguë et inconfortable. Bref intermède, puisque le 7 novembre 1789, la salle installée dans le Manège des jardins du château des Tuileries, où réside le roi, est prête et permet d'accueillir les députés. Le choix est bien sûr stratégique, mais la salle mal adaptée. Il y fait chaud, trois cents places sont seulement allouées au public (contre trois mille disponibles à Versailles), l'acoustique y est médiocre, la salle étant cinq fois plus longue que large, et la nouvelle structure qui divise la salle en deux, avec d'un côté le bureau du président et des secrétaires et de l'autre la tribune des orateurs, déroute les députés. Cette nouvelle configuration les oblige à s'asseoir à la droite ou à la gauche du président et ainsi à constituer des groupes et participer à la polarisation de l'Assemblée.

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